Les voix du corps, les voix de la vie
Avez-vous remarqué comme la joie est communiquée lorsque l’on écoute un bébé s’amuser à l’exploration sa voix ? Entièrement absorbé par la découverte d’un nouveau son, il va produire et reproduire ce même son pendant des heures, y revenir jour après jour pour en découvrir un nouveau etc. .. Parfois, cela ressemble à un chant, une mélopée. Les pleurs, les rires, les cris fusent en cascades que rien ne retient, déchargeant les flots d’émotions qui le traverse. Le bébé ne se prive jamais d’expression!
L’enfant grandit et la voix s’imprègne de nos histoires, de celles de nos parents, venant subtilement refléter notre intériorité pour le monde extérieur. Le langage vient remplacer les effusions vocales de l’émotion brute et les pudeurs et timidités s’installent, encouragées par la nécessité des codes sociaux et familiaux. La voix-cascade qui vient du ventre se fait mots, phrases, et petit à petit le lien corps-voix s’amenuise.
En tant qu’adulte, j’ai dû réapprendre à pleurer. Je me souviens de la jubilation que j’ai ressenti la première fois qu’en tant que femme je me suis laissée pleurer à pleine voix comme un nouveau né. C’était un pleur de tristesse mais quelle sensation de bien-être de pouvoir « pleurer toutes les larmes de mon corps » !
Petit à petit, j’ai autorisé les cris et hurlement de colère. J’ai cherché des endroits où j’étais sûre qu’on ne m’entendrait pas. A vélo sur une route de campagne, dans un coin de montagne isolé, et même la tête immergée dans une rivière !
Je ne sais pas si c’est une bonne voie, mais je pense que ces processus ont été des étapes importantes dans la déconstruction de la carapace un peu rigidifiée qui s’était accumulée autour de moi pendant de nombreuses années de répression de mes émotions. Maintenant, tout en ayant conscience de mes émotions , j’ai un peu plus de distance avec elles et il est rare que j’éprouve le besoin de crier, mais cela reste dans ma « boîte à outil du bien-être », au cas où !
La voix est aussi un amplificateur du plaisir physique. Ces voix font bien-sûr aussi partie des voix de la vie et se laisser aller, lorsque c’est possible, à exprimer son plaisir peut contribuer à augmenter le bien-être. Lorsque vous êtes détendu-e dans la sensation de plaisir, vous aurez peut-être remarqué que votre voix est différente, pouvant parfois être presque surprenante. C’est le larynx et particulièrement les « fausses cordes vocales », localisées au dessus des cordes vocales, qui se détendent avec le plaisir, laissant passer le son avec plus de fluidité. C’est notamment pour cela que le travail de détente corporelle pour le « travail » de la voix a une importance capitale !
En ce qui concerne la douleur physique, parfois cela fait du bien de se laisser aller à crier de douleur car ça peut décharger des tentions accumulées mais cela peut aussi être un amplificateur de la sensation, si le mental focalise sur le cri et s’attache à la douleur ou qu’il prend peur. Ces voix ont néanmoins beaucoup inspiré Alfred Wolfson qui est à l’origine du travail de recherche de Roy Hart sur la « gamme étendue » de la « voix humaine ». Je développerai cela dans un prochain partage.
Quand la voix se fait chant
Et puis parfois nos voix s’élèvent du coeur en mélodies, comme inspirées par un mouvement de l’âme qui cherche à s’exprimer. Un remerciement sincère à l’Instant, ou une joie exprimée de concert avec Ce qui Est. La voix se fait chant. Elle sort spontanément des enfants, des amoureux, des gens heureux, ce sont des rivières plus subtiles qui chantent simplement à la vie.
Chanter avec La Vie
Pourquoi chantons-nous sous la douche ? N’est-ce pas le contact de l’eau si douce qui nous rappelle au bonheur simple d’exister avant tous les problèmes ? En général, aller dans l’eau me donne envie de chanter. J’aime chanter aux vagues quand je nage, avec le son de la rivière, le bourdon d’une cascade.
Pendant plusieurs années, à chanter professionnellement, j’en avais oublié d’où venait mon chant. J’aime retrouver le gôut de chanter spontanément un chant improvisé pour et avec le Feu, le Vent, le Soleil, la Terre, la Lune... De joie, par gratitude, par amour.
Chanter pour la partie visible de l’Être, Sa création. Par soif de me sentir reliée à La Source, au Grand Tout. « Je chantais pour le vent, mais c’est lui qui chantait à travers moi »
Parfois c’est un chant de tristesse, si elle est là, pour élever mon émotion plus haut que l’apitoiement sur soi, l’offrir à l’Univers. Alors, il arrive souvent que la joie arrive dans la tristesse et que je me mette à danser !
Nous humains passons tous par le chemin de l’exploration de nos voix. La voix n’est pas réservée aux musiciens et il n’y a pas besoin d’être « chanteur » pour chanter. La voix intimement reliée au corps et à l’âme exprime notre être dans sa singularité et une expression libérée apporte du bien-être en ouvrant les vannes de l’énergie vitale. Le chant peut être aussi une manière de se relier, à sa propre intériorité, aux autres et au-delà de nos préoccupations quotidiennes, à... « plus grand que soi ».
Delphine, Mars 2023
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